Un samedi ensoleillé de fin octobre 2014. Je suis à Millau. Je rentre dans la tente pour le retrait de mon dossard du Marathon des Causses. A droite, le retrait des dossards pour le Grand Trail des Templiers. A gauche, le retrait pour les autres courses. Je me dirige à gauche et je jête un coup d’oeil derrière moi sur ces coureurs avec des sentiments mêlés d’envie, de crainte, de motivation et d’appréhension sur ce qu’ils s’apprêtent à vivre. Et si ?… Moi ?… Un jour ?…
Un samedi ensoleillé de fin octobre 2016. Je suis à Millau. Je rentre dans la tente pour le retrait des dossards et je me dirige sur ma droite. Demain soir j’ai la ferme intention d’être un Templiers !
Dossard récupéré, je fais un tour sur le salon et récupère des prospectus pour de futurs projets sur les stands des différents organisateurs présents. Je fais un tour dans le village médiéval du premier ravitaillement à Peyreleau au 22ème km et je file me reposer et préparer mes affaires du lendemain. Le temps est annoncé doux mais avec beaucoup de vent et de la pluie. Un « ancien » croisé dans le petit village où je suis logé m’assure qu’il ne pleuvra pas. Je croise les doigts en m’en remettant à son jugement.
5h30 je rentre dans le sas en placement libre, il y a déjà beaucoup de monde devant moi. Le départ est donné à 06h sur la musique d’Era et sous les fumigènes qui éclairent les premiers 100m. Dominique Cauvelier, multiple champion de France sur Marathon, est au micro et n’épargne pas ses encouragements. La première partie est plane, les premiers filent déjà à 16/17kmh, avant d’attaquer au bout de 4 km la montée de Carbassas qui permet d’atteindre les plateaux du Causse Noir. Les 500m de D+ sont avalées plus vite que ce que je pensais et il faut déjà relancer pour cette longue portion relativement roulante. Je suis pointé au delà de la 1200ème place. Cette partie faiblement vallonnée de 15km est traître car il ne faut pas s’emballer et surtout bien regarder ses pieds pour éviter les pierres et racines qui encombrent les chemins forestiers. Plusieurs coureurs autour de moi s’étalent de tout leur long…
Il y a beaucoup de vent qui s’engouffre à travers les arbres mais pas de pluie. Cette partie n’est pas intéressante pour moi mais on attaque enfin aux premières lueurs du jour la première descente technique vers le ravitaillement de Peyreleau , jonction entre les gorges du Tarn et de la Jonte. Il y a beaucoup de monde pour nous encourager, pas question de marcher !!!
Je ne m’attarde pas, la montée qui suit, tout en monotrace ne sera pas propice pour doubler. Au 22km, la course commence vraiment et je rentre dans ma bulle. Nous passons dans une ancienne chapelle et longeons de superbes fermes caussenardes.
Les kilomètres défilent vite, mis à part quelques douleurs aux genoux, tout va bien. Le point d’eau de La Roque Sainte Marguerite, dans les Gorges de la Dourbie, est atteint relativement facilement au 43ème kilomètre mais les choses sérieuses commencent vraiment. La partie la plus technique et la majorité du dénivelé est devant moi. D’ailleurs, la côte suivante, qui mène sur le Larzac, met tout de suite dans l’ambiance de ce qui va suivre… On m’annonce par sms que je suis pointé vers la 800è place. Déjà 400 places de gagnées ! Le ravitaillement de Pierrefiche en haut de cette montée fait du bien. Il faut faire le plein de nourriture et de boisson car le prochain ravito est dans 18km soit à peu près 3h… Les sentiers, en bordure de corniche, sont superbes et nous apercevons au loin Millau et son viaduc. C’est long, très long, ça se joue au mental sur cette partie ou il faut tout le temps relancer. Pas question de m’arrêter, je suis dans un bon groupe et il faut que je reste dedans à tout pris. Certains paysages semblent tout droit sortis d’un comte ! La bête du Gévaudan doit très certainement encore habiter dans le coin ! Enfin, le point d’eau de Massebiau en vue et plus que 11km de course. Mais les 2 montées et descentes à suivre vont être terribles. Au début de la montée du Cade je suis pointé à la 661è place.
Difficile de doubler sur cette partie mis à part ceux qui ont mis le clignotant et essayent de reprendre un peu leur souffle sur le bord du chemin. Je suis relativement frais et j’arrive à relancer jusqu’au ravitaillement du 69è. Je mange tout ce que je peux attraper car la montée et descente du Pouncho d’Agast est annoncée comme faisant mal, très mal même, et les quadri chauffent vite. La pente est tellement soutenue qu’il faut mettre les mains et s’accrocher à tout ce que l’on peut. Ouf, plus que la descente très glissante sur Millau à faire, en n’oubliant pas de passer par la célèbre grotte du Hibou. Effectivement ça glisse beaucoup, il a des cordes pour se retenir. La voix du speaker se fait entendre de plus en plus fort, plus qu’un kilomètre sur un chemin roulant pour nous déposer à l’arrivée. Je regarde ma montre, paris tenu, je vais descendre sous les 12h. L’arrivée est digne d’une étape de montagne du tour de France, il y a du monde partout sur les derniers 300m ! Je passe l’arche en 11h55min et 28sec à la 604ème place.
Je suis un Templiers.